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extrait choisie.

« Ain’t I a woman ? »

Trans’ ou pas trans’, les femmes font toutes, d’une manière ou d’une autre, les frais de la domination masculine. Toutefois, l’oppression peut prendre différentes formes qui dépendent des caractéristiques et des trajectoires sociales de chacune. C’est ce que le Black Feminism et les études sur l’intersectionnalité s’attachent à démontrer depuis maintenant quarante ans. Critiques du modèle purement analogique (sexe = classe) introduit par les matérialistes, les théoriciennes de l’intersectionnalité se sont intéressées à l’intrication des rapports sociaux de sexe, de classe et de race. Elles ont montré que si toutes les femmes subissent la domination, l’expérience qui en est faite est qualitativement différente selon les appartenances sociales des personnes. Par exemple, une femme noire ne fait pas la même expérience de l’oppression qu’une femme blanche. L’inventrice du concept d’intersectionnalité, Kimberlé Crenshaw, prend l’exemple des violences conjugales afin d’illustrer cela : d’une part, les femmes noires sont moins écoutées par la police que les femmes blanches et, d’autre part, la sphère familiale recouvre pour elles une dimension qu’elle n’a pas pour les blanches car elle constitue un espace protégé du racisme de l’extérieur [9] [9]K. Crenshaw, « Cartographies des marges : intersectionnalité,… .

Les femmes forment un groupe hétérogène. L’expérience que fait une femme trans’ de la domination n’est pas la même que celle d’une femme cis’  (c’est-à-dire non trans’) et, comme le groupe des femmes cis’, le groupe des femmes trans’ est lui-même résolument pluriel. Dire, par exemple, que les MtFs s’habillent toutes de telle ou telle manière revient à nier la diversité sociale qui existe parmi elles. Comme c’est le cas de toutes les femmes, leur style vestimentaire dépend en grande partie de leur milieu d’origine, de leur statut social, de leurs modalités de racisation et de leur orientation sexuelle. Les approches intersectionnelles autorisent ainsi à penser la diversité interne de la population féminine. Elles donnent aussi des ressources éclairantes au sujet de la question qui est en fait au cœur du débat contemporain : les femmes trans’ sont-elles des femmes ? Cette question mérite de revenir sur la genèse du Black Feminism. Celui-ci s’est développé dans un contexte où les femmes noires se trouvaient exclues de mobilisations féministes, au sein desquelles elles n’étaient pas considérées comme étant véritablement des femmes. « Ain’t I a woman ?  », demandait alors la théoricienne et militante bell hooks  , en référence au célèbre discours de l’Africaine-Américaine Sojourner Truth, prononcé lors de la Convention des femmes d’Akron en mai 1951, devant une assemblée essentiellement composée de femmes blanches. Dans les mouvements féministes comme ailleurs, force est de constater que les politiques d’altérisation se suivent et se répètent.