Dans le cadre d’un 19ᵉ siècle marqué par la crise des idéaux traditionnels, suite à la publication de L’origine des espèces de Darwin (1859), John Dewey élabore une pensée du dynamisme, de l’évolution et de l’interaction. Quel est le sens du concept de croissance pour Dewey ? Avec

Alexandra Bidet Sociologue, chargée de recherche au CNRS, membre du Centre Maurice Halbwachs
Arto Charpentier Normalien, docteur en philosophie et post-doctorant à l'Université Jean Moulin Lyon III 

Philosophe américain, figure majeure du pragmatisme, intellectuel politiquement engagé et pédagogue reconnu, John Dewey s’inscrit dans un contexte de crise des croyances traditionnelles. Le sujet de l’école, et plus généralement de l’éducation, affleure dans toutes ses réflexions. Dewey et l’éducation

Chez Dewey, on peut parler d’une “éducation permanente”, explique Alexandra Bidet, qui “correspond à notre capacité à apprendre de nos expériences, à en retenir des éléments, des méthodes pour faire face aux expériences ultérieures”.

Dewey a pris position lors des débats pédagogiques de l’époque et, au sein de son école expérimentale, “il s’agissait de voir comment les élaborations des [théories] politiques du passé pouvaient servir d’outils [susceptibles d’]être mobilisés concrètement pour éclairer les défis du présent” poursuit Arto Charpentier. Croître avec les autres

“La bonne croissance (…) est aussi une croissance d’emblée sociale et collective” insiste Alexandra Bidet. C’est pourquoi “la croissance, c’est un processus éducatif autant qu’un processus éthique”, dans lequel “on révise sans cesse la conception qu’on peut avoir de ce qui vaut, de ce qui mérite d’être fait et comment le faire.”

Ce qui est particulièrement intéressant chez Dewey, note Arto Charpentier, c’est que "la notion de croissance est inséparable de celle d’expérimentation (…) : elle trouve son lieu d’abord chez l’individu, mais un individu qui est toujours social, toujours socialisé, toujours engagé dans des activités avec d’autres.” À écouter : Croissance, post-croissance, décroissance Croissance décroissance Les implications politiques

Alexandra Bidet rappelle que la position pragmatiste est fondamentalement “mélioriste”. En effet, “pessimisme et optimisme partagent un travers commun qui est fondamentalement de dissuader l’action". Ce qui importe, c’est de “porter une attention fine aux situations, à la vie commune comme elle va (…) et aux transformations qui pourraient être souhaitables d’y introduire collectivement.”

Pour Dewey, souligne Arto Charpentier, “la démocratie politique constitutionnelle (…) est un moyen largement imparfait (…) pour réaliser une expérience, une exigence plus radicale et plus fondamentale pour lui, qu’est l’exigence d’autogouvernement.” Dewey revendique “que chacun puisse prendre part sur un pied d’égalité à la détermination des conditions de la vie commune.” Pour en parler